La donation-partage, l’assurance vie et le contrat de capitalisation

Lorsqu’on est un chef d’entreprise et que la perspective de vendre son outil de travail paraît encore lointaine, on se pose rarement la question de savoir comment l’optimiser d’un point de vue patrimonial. Or, en matière de cession d’entreprise, l’anticipation est primordiale. C’est grâce à elle que, le moment venu, la « facture fiscale » sera moins douloureuse. Anticiper, c’est clairement économiser.

Ce ne sont pas les moyens d’optimiser la cession de son entreprise qui manquent. Il n’empêche que chaque situation familale présente ses singularités et nécessite une réponse adaptée en termes d’ingénierie patrimoniale.

Nous allons voir comment la donation-partage, au profit de ses enfants, de la nue-propriété des titres de son entreprise avec remploi du prix de cession peut être une stratégie gagnante.

Dans quel contexte peut-on privilégier la donation-partage de la nue-propriété de titres de société à ses enfants ?

On vise ici l’hypothèse d’un(e) chef(fe) d’entreprise qui détient une société assujettie à l’IS. Pour simplifier nous présumons qu’aucun des enfants n’a vocation à reprendre l’entreprise au moment où leur père (ou mère) fera valoir ses droits à la retraite. L’entreprise sera donc cédée à un tiers acquéreur.

La première question à se poser dans ce contexte est de savoir pourquoi effectuer une donation-partage de tout ou partie des titres de la société préalablement à la cession de celle-ci.

La donation-partage « purge » la plus-value latente

Car, de prime abord, la logique voudrait que le chef d’entreprise réalise une donation au profit de ses enfants post-cession de son entreprise, une fois encaissé le prix de vente de celle-ci. Or, cette façon de faire s’avère fiscalement beaucoup plus coûteuse car elle conduit à une double taxation qui peut être évitée.

En effet, dans cette configuration, le chef d’entreprise sera d’abord assujetti à la taxation sur la plus-value de cession des titres de son entreprise conformément aux dispositions des articles 150-0 A à 150-0 E du Code Général des Impôts. Ensuite, la donation sera soumises aux droits de mutation à titre gratuit.

En revanche, si l’on envisage les opérations dans un ordre inverse, à savoir la donation suivie de la cession des titres à un tiers, la plus-value de cession sera d’autant moins élevée que la cession de l’entreprise sera réalisée dans un futur proche suivant la donation. La donation permet en effet de purger la plus-value latente (l’effacer) en cristallisant en quelque sorte un nouveau prix qui servira de référence au calcul de la future plus-value. Ainsi, au moment de la vente de l’entreprise, la plus-value de cession sera calculée au niveau de chaque enfant donataire à partir de la valeur qu’avaient les titres au moment de la donation. Afin que cette valeur ne puisse être remise en cause par l’administration fiscale, il pourra être judicieux de recourir à la procédure de rescrit-valeur prévue à l’article L.18 du livre des procédures fiscale. En effet, en cas d’accord de l’administration fiscale sur la valeur des titres et dès lors que la donation est faite dans les trois mois, en retenant la valeur acceptée par l’administration, la base déclarée ne pourra plus être remise en cause pour l’assiette des droits de donation.

Donner sans reprendre mais en gardant le contrôle

Mais bien entendu la donation avant cession implique que les enfants touchent tout ou partie du prix de cession de l’entreprise. Or on peut concevoir que l’ex. chef d’entreprise ait envie de profiter de l’intégralité du fruit de son travail, parfois celui de toute une vie. Pour autant il ne s’agit pas d’entrer dans un schéma qui conduirait l’administration fiscale à considérer que la donation-partage n’était pas irrévocable. Car dans cette situation, elle n’aurait pas grand mal à remettre en cause l’intégralité de l’opération sur le fondement de l’abus de droit fiscal. Donc oublions d’emblée la grosse ficelle consistant pour les enfants à reverser le produit de cession perçu à leur père ou mère qui a cédé l’entreprise.

En revanche, il est tout à fait possible pour les enfants ainsi gratifiés de souscrire un contrat d’assurance vie ou de capitalisation démembré dont l’usufruitier sera le père et/ou la mère cédante de l’entreprise.

Cela nécessite au préalable de privilégier la donation non pas de la pleine propriété des titres représentant le capital de l’entreprise mais seulement de la nue-propriété. Ainsi, avant la cession envisagée, le chef d’entreprise fera donation à ses enfants de la nue-propriété des titres de la société (donation avec réserve d’usufruit) à charge pour eux de réemployer le prix de cession dans la souscription d’un contrat d’assurance vie ou de capitalisation.

Notons au passage que les droits de donation pourront être calculés en fonction du barème fiscal de l’article 669 du CGI, c’est-à-dire en fonction de l’âge de l’usufruitier.

Ainsi le contrat d’assurance vie ou de capitalisation sera signé par le ou les enfants nu(s)-propriétaire(s) et le parent usufruitier. En sa qualité d’usufruitier du contrat d’assurance-vie, le père ou la mère ayant cédé l’entreprise pourra ainsi profiter des produits financiers générés par le contrat.

Il faudra toutefois veiller à ce que les rachats sur le contrat ne puissent pas être réalisés que sous la seule autorité de l’usufruitier (le père et/ou la mère). D’une manière générale, le dessaisissement du donateur ne doit souffrir d’aucune objection. Ceci étant dit, si la convention de remploi prévoit explicitement que l’usufruitier qui procède à des rachats seuls est redevable d’une dette vis-à-vis des enfants nus-propriétaires, alors le conseil d’État admet qu’il y a bien dessaisissement effectif.  

En définitive, le schéma consistant à faire une donation-partage de la nue-propriété des titres de sa société à ses enfants avant cession relève d’une stratégie patrimoniale particulièrement pertinente dès lors qu’elle s’accompagne d’une convention de remploi des fonds dans un contrat de capitalisation ou d’assurance vie. Il ne faudra cependant pas négliger les aspects liés à la gouvernance post-cession au sein de l’entreprise du fait du démembrement de propriété des titres de cette dernière.

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