La clause de tiers-séquestre dans l’assurance du dirigeant

Parfois, certaines décisions de gestion se doivent d’être prises en pensant au pire. Envisager la mort permet en effet, dans bien des cas en matière de gestion patrimoniale, de faire les bons choix.

Intéressons-nous en l’occurrence à la souscription d’une assurance décès par le dirigeant d’une société à l’occasion de l’acquisition d’un bien immobilier : la fameuse ADI.

Ce type d’assurance permet à l’établissement de crédit prêteur d’obtenir le remboursement du prêt en cas de décès du dirigeant. Jusque-là, rien de très original. Mais qui dit décès, dit succession… et donc des frais. La question se pose donc de savoir quelles pourraient être les conséquences pécuniaires pour la société et les héritiers en cas de décès du dirigeant. Et surtout, y a-t-il un moyen de les réduire ?

Les conséquences du décès du dirigeant souscripteur d’une assurance-décès à l’occasion de l’acquisition par sa société d’un immeuble.

La situation classique que nous visons ici est celle d’un dirigeant qui, via sa société (une SCI par exemple) acquiert un immeuble au moyen d’un crédit immobilier. À cette occasion, il souscrit, par l’intermédiaire de la compagnie d’assurances de son établissement de crédit, ou par celui d’une société tiers (délégation d’assurance), une police d’assurance décès/invalidité (dite ADI).

Au décès de l’emprunteur-dirigeant, la compagnie d’assurances verse le capital restant dû au jour du sinistre à l’organisme prêteur.

Cela emporte une première conséquence au plan comptable et fiscal au niveau de la société, dès lors qu’elle est assujettie à l’IS. En effet, l’indemnisation de la banque par la compagnie d’assurance est comprise dans les résultats de la société. Il s’agit donc d’un profit taxable à l’impôt sur les sociétés.

Ce profit exceptionnel dont la société se serait bien passée peut être source de difficultés financières dès lors qu’il ne s’accompagne pas du versement de fonds à son profit. C’est pourquoi, dans certaines conditions, il sera possible d’étaler sur une période de 5 ans l’imposition correspondante.

Mais, cette première conséquence est loin d’être la plus pénalisante. Car en effet, il en est une autre bien plus problématique. Il s’agit du coût induit par cette indemnisation de la banque dans le cadre de la succession.

Car de facto, au décès du dirigeant, les parts ou actions de la société feront partie intégrante de l’actif successoral. Or, la dette de la société vis-à-vis de la banque ayant disparu du fait de son remboursement par la compagnie d’assurances, la valeur des titres de celle-ci augmente mécaniquement (en raison de l’augmentation de l’actif net). Par conséquent, l’assiette des droits de succession s’accroît également.

Ainsi, les héritiers se retrouvent à devoir payer un surcoût de droits.

Heureusement, il y a un moyen d’éviter cette conséquence fâcheuse en ayant recours à la clause de tiers-séquestre dans la police d’assurance.

L’intérêt de la clause séquestre

Cette clause n’est ni plus ni moins qu’une disposition introduite dans la police d’assurance et visant à ce que, au décès du dirigeant de la société, l’indemnisation ne soit pas versée directement par la compagnie d’assurances à la banque mais transite par un compte séquestre d’un notaire ou d’un avocat. Ainsi, la banque n’est plus bénéficiaire du capital décès, ce sont le ou les héritiers qui le sont.

Ainsi, la dette de la société vis-à-vis de la banque ne s’éteindra pas immédiatement et totalement du fait du décès du dirigeant.

En effet, le prêt subsistera et continuera d’être remboursé à l’organisme prêteur selon l’échéancier initialement prévu.

Ainsi, la société n’aura pas à constater de profit exceptionnel, et ses titres ne seront pas revalorisés drastiquement du seul fait du décès du dirigeant. Corrélativement, les droits de succession ne seront pas accrus.

Ce schéma implique toutefois de porter une attention toute particulière à la rédaction de la clause en question.

D’ailleurs, l’établissement bancaire veillera à ce que le changement de bénéficiaire ne modifie pas la nature du risque qu’il prend.

La banque pourra privilégier à cet égard une solution dite de gage espèce, qui consiste à ce que, au moment du versement du capital décès par la compagnie d’assurance, ce dernier soit versé par les héritiers sur un compte « gagé » ouvert dans les livres de l’établissement lui-même.

En tout état de cause, il est utile de préciser que les banques ne sont pas très enclines à accepter une clause de tiers-séquestre, en ce que cela nécessite l’allocation de ressources additionnelles (service juridique notamment) et donc un coût non négligeable. La plupart du temps, elles seront donc disposées à envisager cette possibilité uniquement pour les clients fidèles, sources de revenus récurrents et confortables.

Précisons enfin que l’opportunité de la mise en place d’une clause de tiers-séquestre dans un contrat d’assurance décès devra être appréciée à l’aune du niveau d’endettement de la société et du coefficient multiplicateur de sa valorisation en cas de décès de son dirigeant.

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