Quand on débute dans la vie active, on se pose rarement la question de savoir s’il ne serait pas pertinent d’acheter sa résidence principale. On dispose de revenus encore modestes, un emploi pas nécessairement très stable, on peut avoir des envies de mobilité, une vie de famille en devenir, bref, autant de raisons qui nous poussent à louer plutôt qu’à acheter notre premier logement.
Pour le dirigeant qui se lance dans l’entrepreneuriat, c’est un peu la même chose. Il faut d’abord asseoir le modèle économique de l’entreprise avant d’envisager d’acquérir un actif immobilier professionnel.
Mais dès que l’entreprise atteint un certain niveau de rentabilité, son dirigeant se pose immanquablement la question d’acquérir son immobilier professionnel, qu’il s’agisse de bureaux, d’un entrepôt, d’un local commercial, d’une usine ou d’un autre actif adapté à l’exercice de son activité professionnelle.
Lorsque le dirigeant franchit le pas, il doit alors se demander quelle est la meilleure façon d’acquérir l’actif immobilier professionnel sur lequel il aura jeté son dévolu. Et force est de constater que répondre à la question des modalités d’acquisition n’est pas une mince affaire.
L’acquisition de l’immobilier professionnel par une SCI ne s’improvise pas
Avant toute chose, il faudra veiller à ne pas tomber dans l’ornière des automatismes, des solutions toutes faites, déjà prédigérées. Je fais référence en l’espèce à ce réflexe pavlovien consistant à préconiser systématiquement l’acquisition d’un actif immobilier professionnel au travers d’une société civile immobilière, la fameuse SCI.
Cette SCI est créée le plus souvent par le chef d’entreprise (seul, avec un ou plusieurs associés ou encore avec des membres de sa famille) ou bien par ce dernier et sa société d’exploitation. Dans ce schéma, la SCI fait l’acquisition du bien immobilier professionnel et le donne à bail à la société d’exploitation dont elle reçoit des loyers au prix de marché.
La participation de la société d’exploitation au capital de la SCI est le plus souvent recommandée lorsque le chef d’entreprise ne dispose pas à titre personnel de liquidités suffisantes pour permettre à la SCI d’obtenir un crédit bancaire.
Il pourra par ailleurs être conseillé d’assujettir la SCI à l’impôt sur les sociétés plutôt que de recourir au régime de transparence fiscal (applicable par défaut). Ce choix devra être mûrement réfléchi dans la mesure où l’option pour l’impôt sur les sociétés n’est révocable que jusqu’au cinquième exercice suivant celui au titre duquel l’option a été exercée (article 239-1 al 3 du CGI). Enfin, l’assujettissement de la SCI au régime applicable aux sociétés de capitaux (IS) ne pourra être raisonnablement préconisé sans s’être au préalable assuré de son intérêt patrimonial et notamment fiscal pour le chef d’entreprise (en fonction de son TMI, de déficits fonciers éventuels, etc.).
Dans certaines situations, il peut aussi être recommandé de démembrer ab initio l’actif immobilier professionnel. La société d’exploitation détiendra alors directement l’usufruit (par définition temporaire en vertu de l’article 619 du code civil) du bien en question tandis que le chef d’entreprise en sera nu-propriétaire, éventuellement par le truchement d’une SCI. Là encore, la pertinence de cette option d’acquisition devra être savamment étudiée. Il faudra évidemment se garder d’une quelconque surévaluation de l’usufruit au risque de voir l’administration fiscale requalifier le montage sur le fondement de l’article 64 ou 64 A du code de procédure fiscale.
L’acquisition d’un bien professionnel en pleine propriété ou en nue-propriété au travers d’une SCI peut s’avérer pertinente. Cependant, il faut se garder de croire qu’il s’agit systématiquement de meilleure solutions. Parfois, on adopte ce mode d’acquisition pour de mauvaises raisons car on ne s’est tout simplement pas posé les bonnes questions.
Comparer plusieurs solutions sur le plan civil, fiscal et financier
Aussi est-il essentiel, avant de privilégier l’acquisition d’un bien professionnel via une SCI, de comparer les tenants et les aboutissants de cette option avec d’autres, comme l’acquisition directe par la société d’exploitation, ou bien le recours au crédit-bail immobilier, par exemple.
Parfois, l’actif immobilier en question présente des caractéristiques tellement singulières que l’on sait par avance que, le moment venu, il ne pourra être cédé indépendamment de l’entreprise. Dans cette situation, l’inscrire au bilan de la société d’exploitation plutôt qu’à celui d’une SCI peut être un choix judicieux.
L’impact fiscal de tel ou tel schéma d’acquisition ne doit pas être pris à la légère. À cet égard, il n’est pas rare de faire l’impasse sur l’impôt sur la fortune immobilière (IFI). Le fait que le bien professionnel soit détenu au travers d’une SCI ou bien par la société d’exploitation directement aura des incidences différentes en matière d’IFI. Il faudra tenir compte des niveaux de participation, de la qualité ou nom de dirigeant statutaire du contribuable au sein de la société opérationnelle, de l’affectation partielle ou totale de l’immeuble à l’activité de la société, d’éventuels liens de parenté entre associés, du niveau de rémunération, etc.…
L’impact de l’IFI sur l’immobilier professionnel peut être important et ne peut donc se satisfaire de solutions de structuration patrimoniales préconçues.
De la même manière, le fait d’envisager de transmettre son entreprise dans le cadre d’un pacte Dutreil peut avoir une incidence sur les modalités d’organisation de l’immobilier professionnel.
En conclusion, il faut admettre que l’acquisition d’un actif professionnel par une SCI n’est pas toujours la solution à privilégier. Seule une analyse approfondie de la situation patrimoniale du chef d’entreprise et de ses objectifs permettra de mettre au jour l’organisation juridique la plus satisfaisante.