Fonds à impact : attention au greenwashing !

Dans l’univers, pas toujours très lisible pour l’investisseur, des organismes de placement collectif qui revendiquent une approche ESG, autrement dit dont les décisions d’investissement sont prises en fonction de critères de nature sociale, environnementale et/ou liés à la gouvernance, on trouve ce que l’on appelle des « fonds à impact ».

Qu’est-ce qu’un fonds à impact ?

Ces fameux « fonds à impact » revendiquent une approche vertueuse en ce qu’ils promettent de ne financer que des entreprises ou des projets ayant un impact positif sur l’environnement, les aspects sociaux, la gouvernance ou qui facilitent l’atteinte de l’un des objectifs de développement durable des Nations Unies.

Contrairement à des fonds qui se revendiquent de l’« article 9 » de la directive SFDR[1] (voir notre papier « la durabilité expliqué à l’épargnant » : https://facteur7.com/la-durabilite-expliquee-a-lepargnant/), les fonds à impact ne sont pas assujettis à une réglementation européenne ou même nationale.

Contrairement à un fonds « article 9 » qui se doit de n’investir que dans des entreprises qui contribuent à un objectif de développement durable tel que défini par la directive SFDR, un fonds à impact peut choisir l’objectif extra-financier qu’il souhaite atteindre ; on parlera de « thématiques d’impact ». En pratique toutefois, il s’agira bien souvent de l’un des 17 objectifs de développement durable des Nations-Unis.

La définition d’un fonds à impact est donnée par le Global Impact Investing Network (GIIN), le plus grand réseau d’acteurs financiers ayant comme objectif de démocratiser l’investissement à impact.

Pour le GIIN, un fonds à impact est un fonds qui investit dans l’intention de générer un impact social et environnemental positif et mesurable ainsi qu’un retour financier. 

Pour le GSG (Global Steering Group for Impact Investment), organisme caritatif britannique présidé par Sir Ronald Cohen, l’investissement à impact est un investissement qui a pour but d’optimiser le risque, le rendement et l’impact au profit des personnes et de la planète. Pour ce faire, il fixe des objectifs sociaux et environnementaux spécifiques parallèlement aux objectifs financiers, et mesure leur réalisation.

On retrouve dans ces deux définitions très voisines, au moins trois caractéristiques de l’investissement à impact : l’intention, la mesure de l’impact et la recherche d’un retour sur investissement. Mais l’investissement à impact se caractérise également parce que l’on appelle l’additionnalité.

Intentionnalité, additonnalité, mesurabilité…

Il ne peut donc y avoir d’investissement à impact sans intentionnalité, additionnalité, mesurabilité et recherche de rendement.

L’intentionnalité se comprend facilement : il s’agit d’avoir une démarche proactive de changement, une intention réelle et assumée de faire en sorte que son investissement ait un impact positif mesurable de nature sociale ou environnementale. Cela implique pour l’investisseur de ne financer que des entreprises qui ont véritablement l’intention d’atteindre l’objectif d’impact.

L’additonnalité est sans nul doute une notion plus délicate à appréhender. Au fond, l’investissement à impact cherchera à investir dans des entreprises qui, au travers de leur business model, ont vocation à contribuer positivement à la thématique d’impact sous-jacente. L’additionnalité se rencontre également lorsque l’investisseur à impact investit là où un financeur traditionnel n’investirait pas, faute de rentabilité ou de prévisibilité suffisante par exemple.

La mesurabilité est une exigence centrale dans l’investissement à impact. En effet, il n’est pas possible de se revendiquer « fonds à impact » si on ne peut évaluer, gérer ou encore optimiser très concrètement, au moyens de données chiffrées, l’impact positif du financement consenti et mesurer l’objectif de durabilité que l’entreprise poursuit.

Enfin, la recherche d’un retour sur investissement, à plus ou moins long terme, distingue notamment l’investissement à impact de la philanthropie.

Mesurer l’impact n’est pas toujours évident

Parce que l’investissement à impact n’est pas encadré d’un point de vue normatif, il est propice au greenwashing. A titre d’exemple, même si le GIIN met à disposition des acteurs de l’impact un catalogue de données et de mesures standardisées au niveau macro permettant de faciliter la mesure de l’atteinte des objectifs de développement durable des nations unies, de nombreux investisseurs préfèrent utiliser leurs propres méthodologies, sans pour autant être parfaitement transparents.

Dans son rapport sur le greenwashing[2] l’ESMA remarque qu’un acteur financier utilise parfois, de manière intentionnelle ou pas, des données inappropriées pour mesurer l’impact de son investissement ou bien des données insuffisamment riches et précises. Et quand bien même la mesure de l’impact s’avère pertinente, une retranscription enjolivée de l’impact réel au travers de graphiques trompeurs ou autre peut donner l’illusion d’un impact plus positif que ce qu’il est réellement.

D’une manière générale, l’investissement à impact est confronté à la nécessité pour les investisseurs d’exploiter un flux considérables de données émanant de contributeurs tiers et des entreprises financées sans toujours avoir la capacité de « challenger » ces éléments chiffrés, faut d’avoir internalisé de véritables experts ès les diverses thématiques d’impact. Cette capacité à exploiter de manière pertinente des données souvent hétérogènes fait aussi encore largement défaut dans les entreprises.

Dans ces conditions, la mesure de l’impact reste encore un enjeu de taille pour bon nombre d’acteurs de « l’impact investing ».

Reste à espérer que les futures règles européennes de reporting de la durabilité (ESRS pour European Sustainability Reporting Standards) permettront d’améliorer grandement la comparaison des données liées à la durabilité, leur exploitation et la mesure de l’impact environnemental ou social. Ces règles qui ont vocation à couvrir l’ensemble des domaines E, S et G en incluant le changement climatique, la biodiversité et les droits de l’homme ont été adoptées par la commission européenne le 31 juillet 2023.

En attendant, on privilégiera des fonds à impact bénéficiant de labels reconnus pour minimiser le risque de tomber dans le panneau de l’écoblanchiment.


[1] (Règlement (UE) 2019/2088 du parlement européen et du conseil du 27 novembre 2019 sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers)

[2] https://www.esma.europa.eu/sites/default/files/2023-06/ESMA30-1668416927-2498_Progress_Report_ESMA_response_to_COM_RfI_on_greenwashing_risks.pdf

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