Comment évaluer les préférences d’un épargnant en matière de durabilité ?

Que votre conseiller en gestion de patrimoine (CGP) ait le statut de conseiller en investissement financier (CIF) et/ou d’intermédiaire en assurances (IAS), il se doit de vérifier, avant de formuler une recommandation personnalisée concernant un instrument financier ou un contrat d’assurance vie ou de capitalisation par exemple, la pertinence de l’investissement préconisé au regard de votre situation patrimoniale, de votre expérience, de vos connaissances en matière financière, de votre tolérance au risque, de votre capacité à subir des pertes, de votre horizon de placement.

Mais votre CGP doit aussi recueillir vos préférences en matière de durabilité.

En d’autres termes, votre CGP doit vous poser un certain nombre de questions qui lui permettront d’adapter le contenu de votre contrat d’assurance vie, de votre contrat de capitalisation, de votre plan d’épargne retraite ou bien de sélectionner les instruments financiers (dans le cadre d’un compte-titres ou d’un PEA par exemple) selon vos attentes en matière de durabilité.

Nous vous renvoyons à notre mémo « la durabilité expliquée à l’épargnant » pour comprendre ce qu’est un investissement durable.

Expliquer ce qu’est un investissement durable avant tout chose

Les questions que vous posera votre CGP devront être systématiquement accompagnées d’une explication. Certaines définitions nécessiteront d’être explicitées et, au besoin, illustrées par des exemples. Car la notion d’investissement durable est polyforme et s’inscrit dans un cadre législatif dense et, il faut le reconnaitre, loin d’être évident à appréhender de prime abord.

Dans un premier temps, votre CGP devra donc définir les différentes « facettes » de ce qu’est un investissement durable (SFDR, taxonomie, PAI). Une fois cet exposé réalisé, viendra le moment des questions.

Je vous dévoile ici quelques-unes des questions que j’ai l’habitude de poser à mes clients afin de mesurer leurs préférences en matière de durabilité. A chaque fois, je veille à illustrer par l’exemple les questions que je pose.

Des questions aussi concrètes que possible

Ces questions sont classées en trois catégories, chacune correspondant à une définition d’un investissement durable (sachant que ces catégories peuvent se recouper).

1ère catégorie : questions en lien avec la notion d’investissement durable au sens de la Taxonomie – Produits A

  • Vous sentez-vous concerné(e) par l’objectif d’atténuation du changement climatique ?
  • Pensez-vous qu’il soit pertinent de financer des entreprises qui cherchent à réduire ou même à éviter les émissions de gaz à effet de serre ?
  • Etes-vous sensible à l’objectif de protection des ressources aquatiques et marines ? Savez-vous par exemple que du fait de l’utilisation généralisée de produits pharmaceutiques que ce soit en médecine humaine ou bien vétérinaire au cours des 20 dernières années, de nombreux réservoirs environnementaux tels que les sols ou les rivières ont vu leur concentration en produits pharmaceutiques augmenter de manière très importante ?
  • Souhaitez-vous que votre épargne ne soit pas du tout investie dans des secteurs d’activité non durables comme celui des énergies fossiles par exemple, ou bien acceptez-vous ce type d’investissements et si oui dans quelle proportion ?
  • Sachant qu’une activité durable au sens de la taxonomie est une activité qui contribue de manière substantielle à la réalisation d’au moins un des objectifs suivants : (i) l’atténuation du changement climatique, (ii) l’adaptation au changement climatique; (iii) l’utilisation durable et la protection des ressources aquatiques et marines; (iv) la transition vers une économie circulaire; (v) la prévention et le contrôle de la pollution; (vi) et la protection et la restauration de la biodiversité et des écosystèmes, et que par ailleurs, et notamment, l’activité en question ne doit pas porter préjudice aux autres objectifs, quel pourcentage de votre épargne souhaitez-vous affecter à des entreprises dont l’activité est considérée comme durable sur le plan environnemental ?
  • Avez-vous déjà entendu parler des label ISR ou greenfin ?

Cette question vise à évaluer rapidement le niveau de connaissance ‘intérêt/connaissance d’un client en matière de finance durable.

Il faudra ici prévenir le client que le nombre d’entreprises dont l’activité est aujourd’hui alignée à la taxonomie est faible et qu’une exigence trop forte pourrait induire des biais sectoriels (immobilier notamment) voire même rendre impossible l’atteinte de l’objectif énoncé. Par ailleurs, les entreprises qui publient suffisamment de données pour permettre de vérifier l’alignement de leur activité à la taxonomie sont encore trop peu nombreuses.

C’est pourquoi nous préconisons d’orienter le client comme suit :

  • Pas d’alignement à la taxonomie
  • Alignement faible à la taxonomie : > 2%
  • Alignement moyen à la taxonomie : > 5%
  • Alignement fort à la taxonomie : > 10%

2ère catégorie : questions en lien avec la notion d’investissement durable au sens du règlement SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation) – Produits B

  • Vous avez le choix entre travailler dans deux entreprises différentes : la première respecte à la lettre la législation nationale et internationale en matière de droit du travail mais vous rémunère moins que la seconde qui ne respecte pas la convention de l’organisation internationale du travail sur le travail des enfants. Laquelle choisissez-vous ?
  • Le fait pour une entreprise d’offrir systématiquement une rémunération plus faible aux femmes qu’aux hommes vous empêcherait-il de la financer ou pas nécessairement ?
  • Entre un placement qui n’intègre aucun critère extra-financier et un placement vertueux sur le plan environnemental, social ou de la gouvernance, lequel avez-vous tendance à privilégier ? Même si le placement qui n’est pas vertueux est plus rentable ?
  • Pensez-vous que les inégalités sont susceptibles de freiner la croissance économique en limitant les opportunités d’éducation dans les milieux défavorisés par exemple ou en réduisant la mobilité, ou bien pensez-vous que c’est un faux problème ? D’une manière générale, la lutte contre les inégalités est-elle un objectif auquel vous êtes sensible ou pas plus que ça ?
  • Pensez-vous que si tous les conseils d‘administration des entreprises comptaient autant d’hommes que de femmes, cela changerait quelque chose ? Si oui à quel niveau ?
  • Dans quelles proportions souhaitez-vous que vos investissements permettent de financer des entreprises soucieuses de répondre à des objectifs vertueux en matière sociale, environnementale ou de gouvernance ?

3ère catégorie : questions relatives aux modalités de prise en compte des « principales incidences négatives » sur les facteurs de durabilité (par exemple : émissions de gaz à effet de serre, déchets dangereux, violation des droits de l’homme, etc.) – Produits C

  • Si je vous dis que, grâce à votre épargne, vous avez le choix de financer une entreprise qui ne pollue pas mais qui a recours au travail forcé et une entreprise polluante expempte de critique en matière de respect des droits de l’homme qui cherche, par divers moyens, à réduire la quantité de polluants liés à son activité, quelle entreprise préférez-vous financer ?  

Cette question vise à faire prendre conscience de l’importance des incidences négatives sur les facteurs de durabilité.

  • Est-ce que, au travers de votre épargne, vous souhaitez que vos investissements tiennent compte de certaines incidences négatives sur les facteurs de durabilité ? Autrement dit, êtes-vous attentif au fait que certaines entreprises, quelle qu’elles soient, veillent à ce que leur activité ne cause pas de préjudice sur le climat, l’environnement, le droit social ou encore les droits humains ?

Parmi ces facteurs de durabilité, y en a-t-il qui vous touchent plus particulièrement :

  • Les gaz à effet de serre et notamment l’intensité carbone
  • La biodiversité
  • Les déchets
  • L’eau
  • Les droits sociaux et la lutte contre la corruption ?

 

Mesurer des préférences en matière de durabilité n’est pas une science exacte

Toutes ces questions doivent s’intégrer dans un échange aussi fluide que bienveillant. Mesurer les préférences en matière de durabilité d’un épargnant ne s’apparente en rien à une science exacte et ce d’autant que la réglementation en la matière est évolutive et doit encore être enrichie et améliorée.

Au terme de cet échange, le CGP pourra construire un portefeuille de placement qui répond aux attentes de l’épargnant en matière de durabilité. Il devra en revanche s’abstenir de recommander des instruments financiers correspondant à des préférences d’un client en matière de durabilité, si tel n’est pas le cas.

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