Quand on parle du Luxembourg, on a tendance à penser « optimisation fiscale », « paradis fiscal », « évasion fiscale », bref, on se dit que c’est une destination que l’administration fiscale française n’apprécie pas beaucoup.
Reconnaissons que si le Luxembourg a eu tendance dans le passé à accueillir des entités sans grande substance économique aux fins de permettre à des personnes physiques ou morales de profiter abusivement de la fiscalité avantageuse du grand-duché, la convention fiscale signée entre la France et le Luxembourg en 2018 a assaini ces pratiques. Le Luxembourg d’aujourd’hui est bien différent du « tax haven » qu’il était.
Donc non, un contribuable français qui souscrit un contrat d’assurance-vie luxembourgeois ne sera pas « taxé » d’évadé fiscal. Car en réalité ce seront les règles fiscales françaises attachées au contrat d’assurance-vie français qui s’appliqueront. L’avantage du contrat d’assurance-vie luxembourgeois n’est donc pas fiscal. Ceci étant dit, pour certains expatriés qui, par définition, sont fiscalement domiciliés à l’étranger, il peut y avoir un intérêt fiscal à souscrire un contrat d’assurance-vie luxembourgeois selon que leur pays de résidence est lié ou non au Luxembourg par une convention de non double-imposition (et selon le pays d’imposition).
Mais quel est l’intérêt du contrat d’assurance-vie luxembourgeois alors ? Et à qui est-il plus particulièrement destiné ?
L’assurance-vie luxembourgeoise : un cadre réglementaire très sécurisant pour le souscripteur
D’une manière générale, le souscripteur d’un contrat d’assurance-vie (l’assuré) est juridiquement exposé au risque de faillite de la compagnie d’assurances. En effet, en théorie, l’assureur pourrait être dans l’incapacité de restituer à l’assuré l’épargne qu’il s’est constituée si sa situation financière devait l’en empêcher.
Mais que l’on se rassure, en France, l’épargne accumulée sur un contrat d’épargne assurantiel (assurance vie, capitalisation ou PER) est garantie à concurrence d’un montant de 70 000,00 € par assuré par le fonds de garantie des assurances de personnes (FGAP). Ensuite, la réglementation applicable aux sociétés d’assurances les oblige à détenir un niveau de fonds propres (sans parler des règles de diversification, de répartition et de congruence) tel que leur faillite est en pratique très improbable. Enfin, quand bien même une compagnie d’assurances serait sur le point de faire faillite, l’Autorité de Contrôle Prudentielle et de Résolution (ACPR) désignerait une autre compagnie pour reprendre les engagements financiers correspondants.
En somme, la probabilité qu’un assuré français ne puisse récupérer son épargne du fait de la faillite d’une compagnie d’assurances est extrêmement faible.
Pour autant, l’assuré qui ne souhaiterait pas prendre ce risque, aussi infime soit-il, privilégiera le Luxembourg pour souscrire un contrat d’assurance-vie.
La ségrégation des actifs
Le 11 mars 2004 la loi luxembourgeoise relative à l’assainissement et la liquidation des entreprises d’assurances a modifié l’article 39 de la loi du 6 décembre 1991 sur le secteur des assurances en édictant que : « l’ensemble des actifs représentatifs des provisions techniques constitue un patrimoine distinct » de l’assureur.
Cela veut dire que l’épargne de l’assuré est en réalité « cantonnée » – autrement dit isolée – au sein du patrimoine de la compagnie d’assurances. Ainsi, en pratique, en cas de faillite de l’assureur, les créanciers autres que les épargnants ne pourront apurer leur créance en ponctionnant ce « patrimoine distinct ».
D’ailleurs, l’article 39 de la loi modifiée du 6 décembre 1991 ajoute que ce patrimoine est « affecté par privilège à la garantie du paiement des créances d’assurance. »
Les assurés disposent d’une créance privilégiée de premier rang à l’encontre de l’assureur
Pour renforcer encore un peu plus les droits des assurés en cas de faillite de la compagnie d’assurances, le législateur luxembourgeois a également prévu qu’au cas où le « patrimoine distinct » serait insuffisant pour permettre le remboursement des assurés, ces derniers « conservent une créance privilégiée pour le surplus, contre l’entreprise d’assurance ».
Ainsi, en cas de faillite de la compagnie d’assurances, le droit luxembourgeois offre à l’assuré un niveau de protection juridiquement supérieur à celui dont peut bénéficier le souscripteur d’un contrat d’assurance-vie en France.
Par conséquent, le cadre réglementaire très protecteur du Luxembourg peut être un motif susceptible de justifier la souscription d’une assurance-vie luxembourgeoise. Mais rappelons une nouvelle fois qu’il est fort peu probable d’assister à la faillite d’une compagnie d’assurances en France et de constater à cette occasion une perte d’épargne pour ses assurés.
Le contrat d’assurance-vie luxembourgeois offre une palette d’investissement plus large que le contrat français.
À l’ouverture d’une assurance-vie luxembourgeoise, les investisseurs pourront investir leurs avoirs sur un ou plusieurs types de supports différents.
Tout d’abord, citons le support a capital garanti qui peut être libellé en euros, en dollar, en livres sterling ou en CHF par exemple. Rappelons qu’en France, le fonds garanti est obligatoirement libellé en euros.
Les expatriés dont les revenus sont libéllés en devises étrangères auront intérêt à souscrire un contrat d’assurance vie luxembourgeois pour profiter de fonds garanti multi-devises.
L’assuré pourra également choisir d’investir dans différents types d’Organismes de Placement Collectif (OPC) sélectionnés par la compagnie d’assurances.
Enfin, l’épargnant pourra choisir des supports désignés sous les noms de (i) Fonds Interne Collectif (FIC), (ii) de Fonds Interne Dédié (FID) ou encore (iii) de Fonds d’Assurance Spécialisé (FAS).
Le FIC regroupe des unités de compte (OPC) mutualisables entre plusieurs investisseurs dont le profil d’investissement est similaire. Ce fonds est géré de manière discrétionnaire par le gestionnaire financier dédié (une société de gestion).
Le FID offre quant à lui une gestion sur mesure à l’épargnant.
Et enfin le FAS permet au souscripteur de sélectionner directement les actifs sous-jacents qu’il souhaite, sur un univers d’investissement généralement très large. L’investisseur effectue son allocation d’actifs et cette dernière est détenue au sein du fonds d’assurance spécialisé sans aucuns frais de gestion. Seuls les clients investissant un minimum de 250 000 euros dans l’ensemble de leurs contrats auprès de la compagnie d’assurances et déclarant posséder une fortune en valeurs mobilières supérieure ou égale à 1 250 000 euros ont accès à ce type de fonds dont la philosophie est de proposer une épargne long terme.
Au travers de ces fonds, les souscripteurs pourront avoir accès à des titres de société non cotée en direct par exemple (ce qui n’est pas possible en France).
Mais attention, si un arrêt de la Cour de cassation du 19 mai 2016 avait rendu possible l’apport par un chef d’entreprise des parts de sa société à une assurance-vie luxembourgeoise, la loi Pacte[1] est venue mettre un terme à cette pratique qui permettait aux dividendes et à la plus-value de cession de bénéficier de la fiscalité avantageuse de l’assurance-vie.
Pour conclure, nous dirons que le contrat d’assurance-vie luxembourgeois est tout à fait adapté à des investisseurs qui recherchent de la flexibilité dans leurs investissements et/ou qui souhaitent investir dans de l’immobilier non coté, dans des titres vifs cotés ou des actions non cotées par exemple, tout en étant soucieux de bénéficier de la fiscalité française applicable à l’assurance-vie.
[1] Voir l’article L.131-3 du Code des assurances