Une refonte bienvenue du label ISR

Le label ISR (pour Investissement Socialement Responsable) a été créé en 2016 par le ministère de l’Economie et des Finances. Il vise à identifier les placements qui concilient performance économique et impact social et environnemental. Au travers des placements labellisés ISR, l’épargnant doit avoir l’assurance qu’il contribue au financement d’entreprises et d’entités publiques qui suivent une trajectoire vertueuse en termes de développement durable. En influençant la gouvernance et le comportement des acteurs, l’ISR favorise une économie responsable.

Le label ISR a récemment fait l’objet d’une refonte afin de le rendre encore plus exigeant. Le nouveau référentiel (le dernier datait d’octobre 2020) entrera en vigueur à compter du 1er mars prochain.

Nous allons tâcher d’expliciter les nouveautés du référentiel ISR.

Les objectifs recherchés

Tout d’abord intéressons-nous au Pilier 1 du label, c’est-à-dire « aux objectifs recherchés par le fonds au travers de la prise en compte des critères ESG pour les émetteurs ». Les sociétés de gestion de portefeuilles (SGP) doivent décrire la nature des objectifs recherchés par le fonds qui prétend au label ISR.

Jusqu’à présent, les SGP devaient pour l’essentiel détailler l’ensemble des objectifs poursuivis de nature financière ou extra-financière et la façon dont ces derniers étaient décrits aux investisseurs.

La consécration de la double matérialité

Le label exige désormais des SGP qu’elles démontrent la prise en compte de la double matérialité au sein du fonds candidat à la labellisation. Le nouveau référentiel insiste également sur le fait que le fonds candidat doit déclarer des objectifs précis sur chacun des trois piliers E, S et G.

La société de gestion doit ainsi mesurer non seulement (i) les risques pertinents en matière de durabilité qui sont susceptibles d’avoir une incidence négative sur le rendement financier des actifs en portefeuille mais également les (ii) impacts potentiellement négatifs des investissements réalisés sur les critères E, S et G.

Si la SGP a décidé de quantifier (et non pas seulement de qualifier) les incidences négatives en matière de durabilité, elle doit utiliser les normes techniques telles qu’elles résultent du règlement délégué (UE) 2022/1288.  

En ce qui concerne les incidences négatives sur les facteurs de durabilité (environnement, questions sociales et de personnel, respect des droits de l’homme et lutte contre la corruption) le nouveau référentiel impose au fonds candidat d’être plus performant que son indice de référence ou l’univers d’investissement de départ sur au moins deux indicateurs de durabilité.

Ainsi, parmi l’ensemble des indicateurs d’incidences négatives pris en compte par le fonds, celui-ci se devra par exemple d’être mieux-disant que son indice de référence sur les volumes de rejets d’eau des entreprises vis-à-vis desquelles il est exposé et sur le volume d’émission de GES des sociétés bénéficiaires de ses investissements.

Point important à noter : le Label ISR demande désormais aux SGP d’améliorer année après année le taux de couverture des deux indicateurs de durabilité choisis. Ainsi le premier indicateur de durabilité devra couvrir au moins 70% des entreprises en portefeuille avant 2024, 80% avant 2025 et 90% avant 2026. S’agissant du second indicateur, l’évolution sera respectivement de 50%, 55% et 60%.

La méthodologie d’analyse

En ce qui concerne le Pilier 2 du label à savoir la « méthodologie d’analyse et de notation des émetteurs mise en œuvre par la société de gestion de portefeuille ».

L’un des principaux apports du nouveau référentiel ISR réside dans la place majeure désormais attribuée aux enjeux climatiques. En cela, les fonds candidats ne peuvent plus faire l’impasse sur la trajectoire pour atteindre l’objectif des 1,5° de réchauffement.

Ils doivent démontrer qu’une attention particulière est portée à l’analyse des plans de transition climatiques, notamment leur cohérence avec les objectifs climatiques fixés par l’Accord de Paris.

Cette démonstration passe par une analyse fine du suivi des objectifs de réduction du volume d’émission de GES des entreprises en portefeuille. Par ailleurs, une SGP ne pourra se satisfaire, si ce n’est de manière résiduelle, des seuls mécanismes de compensation carbone mis en place au niveau des entreprises bénéficiaires des investissements. Ce qui compte avant tout ce sont les progrès entrepris par les entités économiques pour diminuer leurs émissions de gaz à effet de serre et non les moyens entrepris pour les compenser.

Dans la méthodologie d’analyse des critères ESG, une attention particulière est portée aux controverses. Ces exigences nouvelles trouvent échos dans « l’affaire Orpea ». Rappelons d’abord qu’une controverse est la matérialisation d’un risque d’entreprise de nature actionnariale, environnementale, sociale, voire sociétale.

Un fonds candidat devra détailler les moyens mis en place pour identifier de possibles controverses au niveau de chaque entreprise en portefeuille. Il ne s’agira pas de se contenter d’une veille juridique visant à prendre des mesures de correction à partir de la publication d’une décision de justice par exemple. La méthodologie repose sur l’identification, l’analyse et la gestion des controverses.  

La construction et la vie du portefeuille

S’agissant du pilier 3 du référentiel ISR relatif à « la prise en compte des critères ESG dans la construction et la vie du portefeuille », des nouveautés apparaissent également. Par exemple, le nouveau référentiel exige de la SGP qu’elle démontre que le portefeuille initial du fonds est construit à concurrence d’au moins 90% selon une approche systématique et non en sélectivité.

Son modèle de notation (systématique) devra préciser le poids relatif de chacun des trois domaines E, S et G et leur pondération. Une pondération inférieure à 20% devra être justifiée.

Enfin, aucun fonds ISR ne pourra investir dans des entreprises listées à l’annexe 7 du référentiel, autrement dit des entreprises dont l’activité est incompatible avec la prise en compte raisonnable des critères E, S et G.  Parmi ces dernières on peut citer, sans être exhaustif : les entreprises dont plus de 5% de l’activité relève de l’exploration, l’extraction ou le raffinage de charbon, ou dont plus de 5% de la production totale de combustibles fossiles liquides ou gazeux provient de l’exploration, l’extraction, le raffinage de combustibles fossiles liquides ou gazeux non conventionnels. Ou encore tout émetteur dont l’activité principale est la production d’électricité, et dont l’intensité carbone de l’activité de production d’électricité n’est pas compatible avec les objectifs de l’accord de Paris, etc.

Enfin, la SGP devra démontrer que les bénéfices tirés de la mise en œuvre de sa stratégie ESG sont mesurables. Pour ce faire, elle pourra utiliser pour ses fonds ISR au choix, une méthode dite d’augmentation du taux de sélectivité ou bien une méthode reposant sur l’approche en amélioration de notes.  

L’augmentation du taux de sélectivité consiste à réduire d’au moins 30% l’univers ESG investissable par rapport au portefeuille de départ à partir du 1er janvier 2026 (et d’au moins 25% à compter du 01/01/2025).

Quant à l’approche en amélioration de notes, elle consiste à devoir augmenter la notation moyenne pondérée du portefeuille par rapport à la notation moyenne pondérée de l’univers d’investissement initial après élimination des 30 % plus mauvaises valeurs (même échéance que pour le taux de sélectivité).

L’engagement actionnarial

Le dernier pilier du référentiel ISR (pilier 4) traite de « la politique de vote et d’engagement ESG avec les émetteurs ». Le nouveau label ISR souhaite plus de contrainte en matière d’engagement actionnariale des SGP vis-à-vis des sociétés en portefeuille et aussi plus de transparence.

La société de gestion devra ainsi démontrer qu’elle prend largement part aux assemblées générales pour le compte des investisseurs et qu’elle défend ainsi leurs intérêts de manière proactive. À compter du 1er janvier 2025, elle devra prouver avoir exercé ses droits de vote dans au moins 90% des assemblées générales des entreprises françaises et 70% des entreprises étrangères.

Conclusion

Nous retiendrons que le nouveau référentiel ISR qui entrera en vigueur à compter du 1er mars 2024 se veut plus exigeant et donc plus sélectif. Certains fonds d’ores et déjà labellisés ISR pourraient être « délabellisés » faute de pouvoir, ou vouloir, se conformer aux nouvelles règles applicables.

Il n’en reste pas moins que ce nouveau label ISR, en ce qu’il consacre une plus grande transparence dans la définition et la mise en application par les SGP de stratégies ESG efficientes, est un gage de qualité et de sérieux pour tout épargnant sensible aux enjeux climatiques et soucieux de mobiliser son épargne de manière durable et responsable.

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